Anticontes

Épisode 1 : Google

Il était une fois une humanité ou Internet n’existait presque pas. Le monde se portait bien, sûrement mieux qu’aujourd’hui. Le réseau international de la toile était réservé aux Américains et à une certaine élite occidentalisée, ou quelques passionnés d’un certain Windows 98. Dans leur laboratoire de la Silicon Valley, deux programmateurs, méconnus à tort, lançaient avec la modique somme de quatre-vingt dollars et deux ordinateurs essoufflés un puissant moteur de recherche, capable de recombiner les mots clés. Ce Gogol, enfin… Google, était le nom qui obtint leur choix.

Or, très vite, ce moteur de recherche obtint un succès international, et en deux ans, déposait ses principaux et les poussaient à faire faillite ou à se relancer sous d’autres noms. L’Internet préhistorique et ses rêves de gratuité avaient cessé de vivre. Restaient cependant un concurrent de taille sur la route du jeune géant : Microsoft. Ce mastodonte qui contrôlait 95% des ordinateurs grâce au système d’exploitation Windows, possédait un navigateur très connu et très populaire : Internet Explorer. À coup de lobbying intense, Google parvint à faire condamner Windows et son monopole, et pouvait désormais tenter d’installer le sien.

Naquit donc Google Chrome, face auquel Mozilla, résurgence d’un navigateur vieille école, et Internet Explorer, ainsi que la jeune pousse Safari du concurrent Apple, semblait devoir l’emporter sans problème. Google Chrome offrait une rapidité déconcertante… à condition qu’il pût siphonner votre vie privée. Méfiants, beaucoup en se laissèrent pas piéger. Mais, sur ces entrefaites, Google lança une adresse courriel, et racheta la plateforme YouTube, imposant une adresse signée de sa main à ceux qui désiraient créer dessus. Trafiquant en passant le code source pour rendre Internet Explorer et Mozilla obsolètes sur ce monde très apprécié des internautes, et contrôler la montée en puissance de Safari.

Ce fut bientôt l’ère de l’ordiphone et de ses multiples possibilités. Inutile d’expliquer que Google s’allia à Samsung afin de dominer le marché avec Android. Même Microsoft s’y cassa les dents avec Windows Phone.

De nombreux pays interdirent donc Google, comme la Chine, qui ne souhaitait pas que l’on sût si facilement ce qui se passerait chez soi. D’autres furent plus naïfs ou patriotiques, parce que les Américains s’imaginaient qu’un tel monstre leur appartenait. Sauf que l’affaire Cambridge Analytica qui frappait durement un concurrent devait faire comprendre au monde qu’ils ne font pas compter avec les mangeurs de données. Les Européens lancèrent courageusement, vaillamment et inutilement Qwant, qui fut discrédité dès avant sa création. Ils essayèrent de protéger leurs données avec le RGPD, mais il était bien trop tard.

Aujourd’hui, nous vivons l’époque bénie où Google élit les chefs d’État, est le site le plus visité au monde, et ce, de très loin. L’emprise est telle que la transition vers l’informatique quantique est en marche, et que l’entreprise n’y est pas étrangère.

Épisode 2 : Apple

Loin de nous, au cours d’une ère au-delà de toute imagination, l’humanité, en général, ne connaissait l’existence des ordinateurs que par les films et leur usage au cours de la Guerre Froide. Nul n’avait même idée qu’il pouvait exister des téléphones portables. Quant à Internet, c’était une affaire de passionnés, de militaires ou d’universitaires.

Il advint qu’un jeune homme un peu détonnant qui appréciait bidouiller avec l’informatique balbutiante. Steve Jobs, tel était son nom, concevait une machine accessible à peu près à n’importe qui avait les moyens de se procurer dix mille dollars et habitait San Francisco. Bref, sans que ce fût le cas de tous, ce n’était pas non plus une sinécure. Environ un an de salaire moyen dans les États-Unis de l’époque.

Cette machine, c’était le premier ordinateur personnel conçu par la célèbre firme à la pomme croquée et le premier tout court. Steve Jobs, dépassé par son succès, fut écarté pour ses projets un peu trop révolutionnaires. Cela devait lui servir de leçon quand il reviendrait triomphalement en 1997. Entre temps, Apple achetait l’un des cents premiers noms de domaine en .com sur un réseau depuis peu accessible au grand public : Internet. Sans même savoir s’en servir, puisque l’institution commençait à péricliter, divisée par une redoutable guerre des chefs.

En 1997, donc, Steve Jobs revint chez Apple à deux doigts d’être brisée par IBM et Microsoft, et allait pouvoir lancer enfin ses projets. Ce fut d’abord le MacIntosh, puis vint l’iMac, qui lança le début des ordinateurs personnels tout-en-un. Un concept révolutionnaire qui allait bouleverser le domaine de l’informatique.

En 2004, Bill Gates échoua à lancer la tablette électronique. Cette défaite commerciale allait profiter à Apple qui reprit l’idée et lança le premier ordiphone, puis deux ans plus tard, le première tablette.

Depuis, les affaires d’Apple sont florissantes. La multinationale fournit son propre écosystème informatique tout en exploitant vos données afin de vous convaincre de rester chez elle après y être entrée.

Ce récit est inachevé puisque toujours en cours. Désormais, Apple représente un tiers des ordiphones, un cinquième de tablettes, un dixième des ordinateurs ainsi que la moitié des enfants et des prisonniers exploités dans le monde.

Épisode 3 : Facebook

Il était une fois un monde plein de verve et de vie, ou Facebook, ce mastodonte, n’existait pas encore. Ce monde était si merveilleux qu’on n’imaginait pas qu’un jour viendrait le temps où le quotidien se résumerait à la traque des fake news et au siphonnage de données. Sur notre planète, les SJW ne faisaient pas la loi, Twitter et YouTube n’avait pas encore commencé à exister, le premier réseau social s’appelait MySpace, et Google programmait Maps sans qu’on ait pleinement conscience du potentiel de cette application. Les humains ne s’entendaient pas à merveille ; par ailleurs, la guerre en Irak commençait à se transformer en bourbier comme au Viêtnam ou en Corée ; reste que l’Occident faisait joujou avec Windows XP et que Bill Gates présentait une tablette électronique que subirait un échec retentissait.

C’était sans compter sur un étudiant autiste Asperger de Harvard éconduit par une jeune femme. Programmateur de génie, il était repéré par trois camarades et créait un site qui allait devenir l’une des préoccupations majeures d’humains toujours plus soucieux de protéger leur vie privée face à l’effet Streisand. Le site Internet qu’il lançait, Facebook (ou theFacebook à cette époque de l’Internet d’avant) allait devenir une bombe à retardement pour notre humanité.

Ce jeune programmateur, Mark Zuckerberg, était le centre de cette Matrice infernale, le seul être humain qui serait un jour capable de tout connaître de la vie de chacun. Alors, on s’amusait de ce jeunot un peu solitaire, peu à l’aise socialement, et capable de prouesses programmatiques. Il invitait les connaissances de son université à le rejoindre sur son site et à devenir son ami. Les personnes avaient le droit non-négligeable de bloquer ceux dont elles ne voulaient pas comme amis sur ce nouveau réseau, mais Mark Zuckerberg, sûrement à des fins de programmation, nul ne pouvait le bloquer. De cette faille de sécurité majeure, l’homme allait bientôt faire une arme vengeresse. Il savait déjà tout de tous, et de plus en plus de gens avaient l’autorisation de s’inscrire sur Facebook, d’abord dans le milieu des hautes études, puis sur le sol américain, puis dans des pays de plus en plus nombreux.

La naïveté humaine et l’effet de masse faisant le reste, Facebook devenait un mangeur de données et d’information. Des imitateurs de Zuckerberg, ayant saisi le danger, choisirent de lancer des applications tierces, à l’époque béni du lancement des équipements Apple. Ainsi naissaient WhatsApp, Instagram et SnapChat. Mais Zuckerberg avait un argument de taille : le dollar américain, cette monnaie sans valeur pour laquelle le plus fou serait capable de détruire l’Univers entier. Instagram fut racheter alors que l’application avait atteint une certaine maturité.

Pour WhatsApp, ce fut plus délicat. Les responsables luttèrent pied-à-pied dans une guerre inégale et douloureuse. Un accord fut finalement trouvé, et les principaux dirigeants de la messagerie instantanée eurent l’autorisation de rejoindre le conseil d’administration de la puissante marque bleue. Mais peu à peu, voyant ce que Facebook faisait de leur ouvrage patiemment construit à grand renfort de code et de sécurisation, tous s’en allèrent pour créer… une nouvelle application de messagerie instantanée, qui ne représentait plus aucune menace pour Facebook.

SnapChat devint, quant à lui, le vide sidéral que nous connaissons. Insatisfaite de supprimer les vidéos lues par ses utilisateurs, cette application fut bien vite un moyen pour l’application de couleur bleue de siphonner encore plus de données. L’accord fut vite trouvé : Facebook pris un flingue dans une main et plusieurs milliards dans l’autre, et SnapChat de revendre désormais, comme par magie, les données à l’application. De même, un grand nombre d’entreprises lièrent leur destinée au réseau social utilisé désormais par deux milliards et demi d’humain, en invitant leurs utilisateurs à « se connecter avec Facebook ».

L’histoire n’eut pas de fin, et Facebook devint plus puissant que les États, au point de vouloir entrer dans le groupe fermé de ces entreprises qui en deviendraient un jour elles-mêmes. Imitant entre autres l’ordre hospitalier de Malte ou l’ordre des Templiers.

Épisode 4 : Amazon

L’ordinateur et Internet commençaient à se démocratiser qu’un jeune entrepreneur américain inspiré par la figure du self made man se demandait bien ce qu’il allait faire de sa vie. Tandis que les courses en ligne n’existaient pas et que l’humanité se demandait quel serait son prochain téléviseur à tube cathodique préféré, notre entrepreneur eut une joyeuse idée, qui allait faire sa fortune.

Amazone, cette demoiselle charmante qui n’aimait rien tant qu’éliminer tout représentant du sexe opposé, devenait Amazon, site de commerce en ligne, premier supermarché d’Internet, qui n’aimait rien tant que taire toute concurrence.

Mais cela, l’humanité ne s’en doutait pas encore, ébahie par le référencement de produits tous plus alléchants et bon marché les uns que les autres, que l’entreprise ne se privait pas de leur vendre contre l’utilisation de leurs données personnelles et bancaires.

Grâce à l’intelligence artificielle, à la naïveté et à la cupidité de quelques-uns, de Jeff Bezos, son créateur, Amazon affirmait qu’un jour elle pourrait prédire qui achèterait quoi. Malgré les tentatives répétées des méfiants et des sceptiques, l’affaire devenait de plus en plus florissante. Les gens constatait surtout qu’un achat d’un simple produit sur cette plateforme provoquait de terribles pertes d’emploi.

Il fallait désormais trafiquer pour ne pas se retrouver référencé sur le site marchand, faire preuve chaque jour d’un peu plus d’inventivité pour pouvoir faire vivre disquaires moribonds et libraires en difficultés.

On découvrait sans s’en offusquer outre-mesure que l’entreprise évaluait de manière douteuse la productivité de ses employés, coupables chaque jour de stratégies plus mesquines les unes que les autres pour les maintenir au travail, et surtout plus éprouvantes pour leur santé, sans pour autant se cacher qu’elle souhaitait les remplacer par des robots, quand ceux-ci seraient suffisamment intelligents pour décrocher un emploi comme vous et moi, sans pour autant coûter de salaire.

Ce monde n’arriva pas à son achèvement. Ce n’était même que le début.

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