Je traverse un désert de tourbe et de mensonge.
Je rêve de ma fin quand le remords me ronge,
Je suis pris des tourments de l’homme tiraillé ;
Par un péché coupable à jamais travaillé,
Je traverse un désert de tourbe et de mensonge.
Le combat de ma vie est de ne point mourir.
Devant ce que j’ai fait j’ai si peur de périr ;
Cette lutte incessante oppose ma conscience
À l’abject de ma faute ; et pourtant, par défiance
Le combat de ma vie est de ne point mourir.
J’ai fait pis que tuer par ma pulsion mauvaise !
Un silence de mort, un immense malaise
Révèle mon mal crime aux yeux de mes amis :
Ceux qui m’ont fait confiance, à qui j’ai tout transmis…
J’ai fait pis que tuer par ma pulsion mauvaise !
Palper la peau d’autrui me fut geste normal.
Désormais, le cancer, ou je ne sais quel mal,
Affute mon remords, éveille mon angoisse,
Je sens dans tout mon corps la mort, comme une poisse –
Palper la peau d’autrui me fut geste normal.
Je revois ce garçon qui s’amuse et qui joue.
Je me revois encor lui caresser la joue,
Le prendre dans mes bras… Je suis un criminel !
Se rappelle-t-il donc ce toucher trop charnel ?
Je revois ce garçon qui s’amuse et qui joue.
Un confrère bénit le Seigneur pour ma foi !
S’il savait, s’il savait… Ah ! s’il savait l’effroi
Que je ressens, tenace, en mon âme perverse,
S’il savait qu’en mon cœur je ressens tout l’inverse !
Un confrère bénit le Seigneur pour ma foi !
Les derniers sacrements me sont donnés. De grâce !
Retirez de mon cœur toute la sombre crasse !
Cela fait si longtemps que mon cœur se salit,
Si longtemps que je tais ce que j’ai fais du lit !
Les derniers sacrements me sont donnés. De grâce !
Je n’ai pas les vertus de mes si beaux habits !
Je leur ai préféré victimes, fric, rubis.
J’ai débauché mon temps pour masquer ma tendance,
Comment n’ont-ils rien su de mon outrecuidance ?
Je n’ai pas les vertus de mes si beaux habits !
La mort désarmera bientôt l’abominable.
Qui me voit se méprend, ce qui m’est intenable ;
On loue à grand regret ce que je ne suis pas,
Je sais qu’il n’est pas loin, cet inique trépas.
La mort désarmera bientôt l’abominable.
De ce mal venimeux je n’ai rien confessé.
Comme un dernier défi pour Dieu que j’ai blessé,
Je n’ai rien dit. Jamais je n’ai dit ce mal crime ;
Je sens que le Malin me cherche comme prime –
De ce mal venimeux je n’ai rien confessé.
La mort vient retirer les mots de ma pensée.
De la belle innocence éplorée, offensée,
Je sens que point le jour où l’homme entend son cri ;
Le jour où l’on verra que je suis un pourri.
La mort vient retirer les mots de ma pensée.