Vieil homme, usé, vieille peau sans prétention autre que la sagesse, je m’étais enorgueilli et ma jeunesse caressait encore les ombres passées. Je marche dans la pénombre où j’entre et la lumière d’où je sors. Je cours vers mon départ. Les bonheurs sont rares et les pleurs sont nombreux. J’écoute dans ma nuit l’étroitesse de mon esprit obtus qui regarde sa misère, j’erre sans but.

Il paraît devant moi, sublime, insondable, mystère du monde, comme je fuis son regard ardent. Il paraît de ma vue qu’elle est abîmée par l’ombre de la mort et les ravins étroits de mon esprit obtus. Il semble de mon cœur qu’il est noirci par les maux. Il reste de mon corps qu’il retournera de là où il vient.

Elle paraît, la Lumière. Moi, je m’en suis détourné. Je refuse de voir ce que je n’ai jamais cru. Je ne veux pas croire la douceur et la bonté. « Hors de ma vue ! » dis-je. Il est bien tard, de toute façon.

J’écoute l’Homme. J’entends ses mots. Je vois mes maux. On me parle, on me parle, et je ne vois rien. On m’interpelle, et je regarde sur moi l’ombre devenir du feu, un feu qui me ronge et me dévore avec l’aspect d’un serpent tourmenteur. Il est trop tard pour l’esprit perfide de mon cœur, pour mon corps de fieffé menteur.

Je suis sondé par un Juge qui ne m’accuse pas. Il soulève les ombres, les noirceurs, les poids de mon cœur, la sombre peine dans laquelle il s’est entretenu. Moi qui me croyais léger avant l’accident, je me découvre un poids que je ne me connaissais pas ; nulle gravité, même extrême, ne pourrait la décrire. Oui, je suis tombé par terre, la face à terre je refuse de me laisser relever. Il est trop tard de toute façon.

Tout est accompli.

« Regardez-le, ce pitre ! Frappez-le, cet idiot ! Brûlez-le, rôtissez-le, embrochez-le ! » Des voix soufflent dans le vent, des sifflements de haine et de rancœur qui me soulèvent l’âme et me renversent l’esprit. Je suis froid, impuissant, mort, démoli. Les ricanements me frappent, les coups me font cracher le venin du dégoût, le ragout de ma vie, le goût de mon envie.

Je suis dans le pays des torturés. Je veux fuir mais il est trop tard. Je me torture, me flagelle, je souffre la misère de l’âme desséché d’un corps enflammé tant qu’il ne croyait pas périr. Maintenant que je suis mort dans le ventre d’un feu de haine et de virulence, je hurle à mon tour. Je frappe les tourments, je tourmente, je suis tourmenté par mes vices, je tourmente avec méthode et ignominie.

De plus en plus loin, de plus en plus haut, de plus en plus fort, la lumière que je ne regarde jamais brûle mon regard qui l’a rejetée. Comme elle a disparu, je suis mort. Point de remords dans mon cœur révolté, violent, meurtrier. Comme la lumière s’est cachée au regard vide et noir de ma méchanceté, je vois l’horreur défiler et mon orgueil rutilant.

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