« Pas le temps pour ce genre de réflexion. À Paris, tout fonce. Trop vite. Toujours la même routine. Lever tous les jours à six heures et demie. Lever, douche, toilette, petit-déjeuner. Du lundi au samedi je marche pour aller au boulot. Je marche à grandes enjambées. Sinon je perds du temps. Alors disons que je cours à moitié. C’est un peu comme du sport. À huit heures moins le quart je suis au taf. Le matin jusqu’à treize heures je bosse. Je fais deux pauses : un café et une cigarette, à neuf heures et demie et à onze heures. À treize heures pile je prends mon sandwich. À quatorze heures pétantes je repars pour tout l’après-m. Deux pauses aussi : cigarette à quinze heures trente et dix-sept heures trente. À dix-neuf heures je sors du taf. À dix-neuf heures trente je suis chez moi. J’allume la télé et je prends une pizza. Puis à vingt heures trente je sors. Je vais voir des amis. Je vais en boîte deux fois la semaine. Jeudi et samedi. Y a des jolies filles. Parfois j’arrive à conclure.
– Et dimanche ?
– Dimanche ? Je dors jusqu’à midi. Je suis tellement crevé. L’après-m, je fais pas grand chose. Le soir je prépare ma semaine.
– Et ça te plaît cette vie ?
– Bof ! Y a des moments où j’aimerais partir loin, au grand air !
– Tu trouves pas que ça n’a pas de sens ?
– Bah, pas trop, non… C’est vrai que j’aimerais faire des choses un peu stylées. Vivre quoi !
– Vivre… Tu sais, c’est chouette, ça, de vouloir vivre !
– Ouais… C’est vrai… Et en même temps, tout est si compliqué. Des fois, j’ai vraiment envie de chialer. Tout ça n’a pas de sens !
– Tu sais, c’est pas grave de pleurer. Ça fait même pas mal de bien !
– Je sais pas… Enfin… J’en peux plus, quoi ! J’aimerais reprendre la vie de zéro ! Vraiment, j’aimerais tout reprendre à zéro !
– Tu crois que c’est possible ?
– Ouais ! Mais je sais pas trop comment !
– Écoute ! Moi, j’ai pas grand chose à te proposer. Mais si tu veux, y a un grand festival cet été, pour des jeunes, et par des jeunes. Y aura des gens géniaux !
– Et c’est quand ? Et où ?
– À Hautecombe, en Savoie, début août. Voilà un tract, avec toutes les infos. N’hésite pas à les appeler ou encore, à écrire un petit mail.
– OK. Je vais voir. Merci.
– Je t’en prie. Est-ce que tu veux qu’on prie pour toi, maintenant ?
– Pour moi… Je sais pas trop… Si vous voulez… Ça peut pas me faire de mal, après tout…
– Rappelle-nous juste ton prénom.
– Max.
– OK. Bah, Seigneur Jésus, on Te confie Max, sa vie, ses projets. On Te demande qu’il rencontre le bonheur. Toi qui as dit : « Si vous aviez la foi grosse comme une graine de moutarde, vous diriez à cette montagne de se jeter dans la mer, et elle le ferait », donne-lui de Te rencontrer pour qu’à son tour, il déplace des montagnes ! »

Je savais pas trop ce qui m’avait pris d’accepter de parler à ces cathos un peu bizarres. Mais ils avaient toujours été à mon écoute. Et je me sentais un peu mieux. J’étais rentré chez moi au lieu d’aller en boîte, et j’avais commencé à pleurer. C’est vrai que ça fait du bien. Le lendemain, on était dimanche, je m’étais réveillé et j’avais regardé le petit tract. Ça fait du bien, parfois, de se souvenir des soirées du samedi. Surtout que ce tract n’avait pas le visuel arriéré des années cinquante. Puis je l’avais posé.
Et pendant deux mois, je l’avais oublié.
Un samedi soir de mai, en rentrant de boîte, pas trop bourré, une nana dans les bras, je sentis comme un vide. Je ne parvenais pas à m’endormir. Je me croyais nul. Et là, sous une pile de feuilles, les impôts, les assurances, tout ça, je revis le tract. Il était écrit : « Tu veux donner un sens à ta vie ? Viens Le rejoindre ! » Je pleurai comme une madeleine. J’en avais marre de cette vie pourrie !
Je ne sais pris de quelle énergie, je me décidai à aller vers la butte Montmartre. Je me fis le plus discret possible, pour ne pas réveiller la fille – comment elle s’appelait déjà ? – et je m’y rendis. J’évitai les coins un peu craignos. En haut, je vis de la lumière dans la basilique. Curieux, j’entrai. En moi, j’entendis : « Veux-tu donner un sens à ta vie ? »
Je continuai d’avancer, un peu méfiant. En face, je vis l’espèce de table en pierre (les cathos l’appellent « autel »). Sur les bancs, quatre ou cinq personnes à moitié endormies. Sur l’autel, il y avait un genre de chose. Un grand soleil, et un truc à l’intérieur. J’avançai encore. Je sentis une grande chaleur. J’eus le sentiment d’être aimé comme jamais je ne l’avais été.
« Max, veux-tu donner un sens à ta vie ? Je suis l’Amour que tu as tant désiré ! Je suis ton Père. Ton papa qui t’a manqué quand il a quitté la maison, ce papa dont tu t’es dis que tu réussirais mieux que lui, ton papa que tu hais, comprends qu’il n’est pas infaillible ! Je suis ton Père céleste, Celui qui t’aime infiniment. Viens Me rejoindre, Max ! »
Je tombai en larmes devant le grand bidule. J’eus envie de rejoindre ce type qui me parlait intérieurement. Je compris que j’avais été aimé de toute éternité. Enfin, j’avais une chance d’être heureux.

Hautecombe, j’avais vu sur leur site, ça avait l’air d’être le paradis. On allait faire pas mal de sport, entendre des témoignages, et aussi expérimenter des trucs bizarre de cathos. Mais bon, ça, à la limite, ça pouvait passer. Mon inscription s’était faite en quelques minutes.
Arrivé sur les lieux, je vis le lac du Bourget, mais je ne sais pas trop pourquoi, il faisait un temps de mars en plein mois d’août. Bref, ça me dégoûtait un peu, parce que je ne pourrais pas faire de jet-ski comme j’avais prévu. Les montagnes, tout autour, c’était joli. Mais quel temps pourri !
La première personne que j’abordai était un gars d’environ vingt-cinq ans, comme moi. Je me présentai :
« Bonjour, moi c’est Max, et toi ?
– Sorry, no French ! » me dit-il avec un accent à couper au couteau.
Passé à l’anglais, j’appris qu’il s’appelait Yani, qu’il venait de Saiguède, en Hongrie. (Désolé, j’ai pas retenu comment ça s’écrivait.). Il avait l’air plutôt sympa. Il me rassura sur le temps qu’il ferait : normalement, il serait meilleur dans deux jours.
Le soir, c’était une soirée de bienvenue. Plutôt tranquille, et détendue. Le temps n’était franchement pas terrible, mais les autres jeunes avaient l’air joyeux, et parlaient entre eux comme s’ils se connaissaient depuis toujours. Je me sentais un peu bête. Heureusement, une jeune fille, ayant probablement remarqué ma solitude, me prit par le bras, et me dit que si je voulais, je pouvais rejoindre son groupe d’amis. Je passai la soirée à discuter. C’était chouette, finalement, de ne pas se bourrer la gueule. On faisait de belles rencontres.
Le lendemain, le temps était encore pire. On voyait à peine l’autre côté du lac. Les jeunes qui devaient aller au jet-ski durent changer d’activité. Je m’inscrivis donc au football. J’aimais bien le foot, mais je jouais comme un pied. Heureusement, les gens étaient sympas, et personne ne pensa à m’injurier quand je ratai un but pourtant marqué d’avance. Ça nous fit même plutôt rigoler. Le soir, il y avait une soirée témoignages. Je fus marqué par ce gars qui avait « vécu l’enfer et qui en avait été arraché. » À mon âge, il avait attrapé le SIDA et se droguait. Aujourd’hui, il était marié, et père de deux enfants. Et il croyait dans le nom de Jésus, « qui seul peut te sauver. » Il dit ces mots qui m’ont marqué :
« Aujourd’hui, on croit qu’il faut être une montagne pour déplacer un grain de moutarde. Mais c’est quoi ce truc qu’on a tous, les jeunes ! Vous avez vu ces montagnes – il pointa les Alpes du doigt – ? Vous croyez qu’elles déplacent quelque chose ? Si vous aviez la foi grosse comme une graine de moutarde, vous vous rendez compte que les Alpes ne seraient déjà plus là ? Alors, qu’est-ce qu’on attend ? Pourquoi on demande pas l’Esprit Saint, pour qu’Il envoie Son feu, là, Son feu tout-puissant, pour qu’il détruise les montagnes dans nos cœurs ? (J’eus alors la sensation qu’il me parlait.) Pourquoi tu veux pas que ton cœur de pierre, il change en cœur de chair. Je sais pas d’où tu viens, ni qui tu es, mais sache que si Dieu est avec toi, qui serait contre toi ! Oui, il y a un jeune parmi nous qui refuse de pardonner à son papa parce qu’il a quitté sa maman. Ce soir, Jésus lui redit qu’il a une place spéciale dans son cœur. Il ne le juge pas. Mais ce pardon que le Seigneur veux que tu pose ce soir, il libérera des espaces dans ton cœur ! »
Je pleurai en silence. « Pardon, papa… Pardon, papa… Pardon… » Je me sentis libéré d’un grand poids, de chaînes. Je sentis une grande chaleur.

Voilà, mon Père, avec mes mots, la source de mon noble désir. Voilà comment je résumerais ma rencontre avec Jésus. Voilà pourquoi j’aimerais recevoir le baptême. Parce que je crois que Jésus veut que je continue de « déplacer les montagnes. » Parce que si je n’avais pas accepté de demander pardon à Papa, jamais je n’aurais voulu servir mon Père, qui est aux Cieux. Je veux témoigner que Dieu est Tout-Puissant, le Nom au-dessus de tout nom.

En Christ,

Max.

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