Le temps qui passe,
Cours, envolé,
A mort pourchasse
La vie que j’ai.
C’est un rapace,
Un tigre ailé,
Qui ne se lasse
D’avoir tué.
Il prend aux hommes,
Aux fleurs, aux pommes,
Aux arbrisseaux,
La vie superbe ;
Se flétrit l’herbe
Près des ruisseaux.
Le temps qui saute
Comme un torrent
N’est pas mon hôte
Ni mon parent.
Sa frêle côte
Un vieux mourant
(Telle est sa faute)
Brise en pleurant.
Le temps nous tue,
Oiseau, tortue,
Singe, fourmi ;
Et notre vie
Vole à l’envie,
Point à demi.
Le temps dévore,
Lion affamé,
Temps carnivore
De l’être aimé.
La vie se dore,
Temps consommé,
La vie se dore
Dans sa beauté.
Le temps de marbre
Est comme un arbre
Grand le premier :
De la lumière
Si salutaire
Un meurtrier.
Le temps qui passe,
Court, envolé,
A mort pourchasse
La vie que j’ai ;
Seul de sa race
Est sans pitié,
Tel un rapace,
Un tigre ailé.
Il prend à l’homme
Son bien, en somme,
Le grand cadeau
Que fit Dieu Père :
La vraie Lumière
Sur son radeau.